
LITTÉRATURE INTERDITE par Daniel Milord Albertini
- Terre de Miel aux Épines de Fiel : Un second recueil signé Patrick Charles
Un second recueil de poésie prépare-t-il littéralement un triptyque en cours ou un roman : annonciation chez un poète écrivain coincé dans la provocation du sentiment profond non dévoilé. Je ne raconte pas ici sa poésie, il faut faire l’effort d’aller voir, d’aller le visiter.
Je ne suis pas prophète, mais esthète-logicien assez pour essayer comprendre que l’écrivain a besoin de s’exprimer sur les vagues qui nous emmènent vers ce délice plus romanesque, par exemple sur une plage d’été, tel que le propose l’industrie. Oups, je dis : industrie, je risque de me faire foudroyer par une prose en berne la prochaine fois. Terre de miel… de fiel.
Patrick Charles nous gâte-t-il pour mieux nous avaler dans sa tasse de thé : pourquoi pas, le marché du livre ne considère généralement pas la poésie à son corps défendant. Me revoilà dans des termes commerciaux matérialistes tandis que sa poésie est évasive et immatérielle. Parfois matérielle je trouve, quand il va vers le métro Snowdon par exemple avec l’homme dans le train (Humanidentité-2018). C’est le roman qui brille même dans la médiocrité, chose que j’ai constatée l’an dernier avec ma fille et son copain. Mais je ne sais expédier Patrick Charles sans dédouaner son recueil. Dédouaner oui, il est au port, libre de commerce.
Terre de miel aux épines de fiel, est-il le recueil de contestations voilées, un cri du cœur très habile, une reconnaissance de terrain, ou tout simplement l’âme d’un poète largué dans une ville comme Montréal, avec un cœur comme celui d’un Haïtien nostalgique ?
Dans «le cuisinier et le poète», c’est la croisée de deux mondes solitaires.
Je me rappelle de Pierre Renaud, un cuistot de Grilly en France, dans ses casseroles à Gland Suisse où il mijote… Pierre aimait la poésie malgré adepte des moteurs de voitures. Pierre est souvent seul dans ses pensées, entre la recette et le service à la salle à manger du Château de la Lignière. Il vous rattrape entre deux louches de potage pour vous servir sa poésie culinaire si je me fis au texte de Patrick Charles, mais sa serviette sera soit les cuisines du Nimitz dans les eaux peu profondes de Toulon, soit le crash test du moteur de la Fiat Punto.
Le poète dans son recueil qu’il caresse, ce sont les mots qu’il chatouille. Plus qu’un souvenir, c’est le poète Brézault à Montréal de son émission «reflets de vers libres». Il mesure chaque souffle-coupé. Je l’ai remplacé pendant une demi-saison en projetant son personnage pour l’auditoire, simulant l’étonnante confusion. Brézault parlait curieusement de gastronomie.
En fait, poète cuistot, ils ont tous deux des affaires connues d’eux seuls à raconter, pour vous dire enfin : oublie ça, ce n’est pas important. Parce qu’ils croient les deux que vous êtes inapte, trop d’éloges dans ce monde de consommation. Peut-on ne pas consommer le cuistot ou le poète tandis que, ils se vantent tous deux de leurs effets ? Il y aura toujours une excuse pour le gros sel arrosé de fond de veau parce que la requête de divorce est sur la table en partant de la maison. Même excuse pour un ver cassé quand l’amoureuse l’a plaqué pour l’Apollon du bar. Mais, que peut-on vouloir se dire entre un poète et un cuistot ?
Je m’interroge, pourquoi Patrick Charles va prêter sa plume, surprenante civilité pour faire renaître l’assiette du cuistot en prenant soin de faire mieux pétiller le mot du poète à sa table. Je signe de ce fait : j’en veux plus que ça !
Pourquoi donc visiter Patrick Charles dans sa poésie : son audace, ses talents, l’économie si cela prend du poil, le verbe puisqu’il y a de l’oralité ? Oui, mieux, il dévoile le roman d’ici là.